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L’idéal de beauté masculin est imperméable aux modes. Si le nu est féminin est omniprésent dans l’art jusqu’à saturer notre imaginaire, le nu masculin reste timide tout en étant un canon immuable dans l’art. Parce que le corps de l’homme est un support de représentation symbolique, osons le nu masculin dans l’art, au fil du temps ; osons autant le nude (nu) que le naked (déshabillé) en anglais.

21 Feb

Esclave mourant, esclave rebelle de Michel Ange

Publié par Romain  - Catégories :  #16ème siècle

Esclave mourant, esclave rebelle de Michel Ange
Esclave mourant, esclave rebelle de Michel Ange

Ces deux esclaves enchaînés ont été sculptés entre 1513 et 1515 par Michel-Ange. Mesurant un peu plus de 2 m de hauteur, exécutés dans le marbre, ils semblent se répondre et se compléter, et sont ainsi toujours présentés ensemble.

Le premier, l'Esclave mourant, frontal, élancé, a les yeux clos, comme abandonné dans le sommeil. Il se distingue de l'Esclave rebelle, dont la pose contournée et les bras ligotés dans le dos traduisent la volonté farouche de recouvrer la liberté.

« LA TRAGÉDIE DU TOMBEAU »

Les deux sculptures sont conçues pour prendre place dans le tombeau commandé à Michel-Ange par le pape Jules II.

Dès 1505, le sculpteur propose au souverain pontife un projet colossal surpassant ceux de ses prédécesseurs, destiné à la basilique Saint-Pierre de Rome. Il imagine un édifice isolé, pyramidal, comportant une vingtaine de statues, dont une douzaine de captifs. Enthousiaste, le commanditaire change néanmoins d'avis et charge Michel-Ange de peindre la voûte de la chapelle Sixtine (1508-1512).

À la mort de Jules II, en 1513, le tombeau est loin d'être achevé. Michel-Ange élabore un nouveau projet, qu'il présente aux héritiers du pape. C'est pour ce tombeau adossé à un mur que sont conçus ces deux esclaves, destinés à prendre place devant des pilastres encadrant des statues dans des niches, parmi lesquelles le célèbre Moïse.

Malgré une interruption de sept ans et des événements dramatiques comme le sac de Rome, les héritiers de Jules II n'abandonnent pas leur but. En 1535, Michel-Ange écarte finalement les deux esclaves de son ultime projet de tombeau, qu'il réalise pour l'église Saint-Pierre-aux-Liens.

 

DE ROME AU MUSÉUM CENTRAL DES ARTS

Michel-Ange offre alors les deux esclaves à un compatriote florentin, Roberto Strozzi, lequel en fait don au roi François Ier. C'est peut-être le futur Henri II qui les transmet au connétable de Montmorency, grand amateur d'art. Celui-ci les place dans son château, à Écouen, au sein d'une façade conçue pour les accueillir. Passés ensuite dans la famille Richelieu au XVIIIe siècle, ils entrent finalement au Museum central des arts, futur musée du Louvre, en 1794.

 

UNE ASCENDANCE ET UNE ESTHÉTIQUE PAÏENNES

La conception de deux hommes nus ligotés pour un tombeau placé dans une église peut paraître surprenante, même dans la Rome du début du XVIe siècle. En réalité, Michel-Ange s'inspire de l'art antique : les figures d'esclaves assujettis et dénudés sur les tombeaux impériaux ou les arcs de triomphe étaient courantes à cette période. Désignées à l'origine sous le terme antique de captifs, elles seraient, selon le témoignage de l'historien de l'art Vasari, des allégories des provinces soumises au pape et à l'Église.

Formé à Florence auprès de Bertoldo di Giovanni, Michel-Ange s'est très tôt intéressé à la sculpture antique. Présent à Rome à partir de 1496, il a pu voir l'Apollon lycien, au bras replié sur la tête, et Le Laocoon. Dans ce groupe, la puissante torsion du corps du père et l'opposition entre les deux fils, l'un abandonné, l'autre révolté, se retrouvent dans les esclaves de Michel-Ange.

 

LA RÉFÉRENCE AUX ARTS

Selon Ascanio Condivi, élève et biographe de Michel-Ange, les esclaves seraient plutôt des allégories des arts. Ce type de personnification, répandu depuis le Moyen Âge, serait un hommage au mécénat des papes, de Jules II en particulier. L'ébauche d'un singe aux pieds de l'Esclave mourant conforte cette lecture : cet animal incarnait traditionnellement la capacité de la peinture à singer le réel. L'Esclave rebelle incarnerait ainsi la sculpture émergeant de la matière.

Esclave mourant, esclave rebelle de Michel Ange
Esclave mourant, esclave rebelle de Michel Ange
Esclave mourant, esclave rebelle de Michel Ange

LA BEAUTÉ NÉO-PLATONICIENNE

Il est probable qu'à travers ses esclaves, Michel-Ange ait également traduit les conceptions néo-platoniciennes florentines, qu'il développe par ailleurs dans ses poèmes. L'idée que la beauté parfaite est le reflet de la grâce divine semble exprimée par l'Esclave mourant, frappant de jeunesse et de beauté langoureuse. Sa tentative désespérée de se défaire de ses liens traduirait l'assujettissement de l'âme à la pesanteur du corps. Dans un esprit différent, chargé de révolte et de tensions, l'Esclave rebelle mène le même combat pour se dégager de sa gangue de pierre.

 

LE NON FINITO

Il est manifeste que ces deux statues sont inachevées. Certaines parties, parfaitement lisses et polies, s'opposent à d'autres, laissées à l'état brut ou marquées par le travail des outils.

On ignore pourquoi Michel-Ange n'a pas terminé ces sculptures. On observe néanmoins que l'inachèvement, absent des œuvres antérieures comme David, s'amplifie au fil de la carrière du sculpteur jusqu'à devenir un fait conceptualisé et maîtrisé. Laisser l'œuvre inachevée serait un moyen de mettre en valeur l'idée créatrice, à même de distinguer le véritable artiste de l'artisan. L'exécution devient secondaire. Le non finito rappelle également que la réalisation physique ne peut être qu'inférieure à l'idéal conçu par l'esprit.

Esclave mourant, esclave rebelle de Michel Ange
Esclave mourant, esclave rebelle de Michel Ange
Esclave mourant, esclave rebelle de Michel Ange
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L’idéal de beauté masculin est imperméable aux modes. Si le nu est féminin est omniprésent dans l’art jusqu’à saturer notre imaginaire, le nu masculin reste timide tout en étant un canon immuable dans l’art. Parce que le corps de l’homme est un support de représentation symbolique, osons le nu masculin dans l’art, au fil du temps ; osons autant le nude (nu) que le naked (déshabillé) en anglais.