Vincenzo Gemito, le napolitain
Vincenzo Gémito (1852-1929) est un sculpteur, dessinateur et orfèvre napolitain. Il a commencé sa carrière artistique en partant des échelons les plus bas : il était en fait un enfant trouvé, adopté par une famille pauvre de charpentiers.
Dès l’âge de neuf ans il montre un talent pour la sculpture, et reçoit des cours dans ce domaine grâce à des mécènes. Cependant, sa formation était en grande partie celle des autodidactes. Ses premières productions sont composées de croquis, principalement en terre cuite, représentant des gamins des rues de Naples et des scènes populaires. En 1868, à l’âge de seize ans, l’achat d’une de ses terres cuites par le roi d’Italie le propulse vers la célébrité.
Il a ainsi pu commencer à vendre une vaste série de terres cuites, de bronzes et de bronzes « réalistes » représentant principalement des enfants et des adolescents souvent nus ou semi-nus. L’attrait érotique de cette production découlait sans doute de l’orientation personnelle du sculpteur, mais en même temps il incarnait parfaitement ce goût de nombreux mécènes d’Europe du Nord pour une Méditerranée nue et libre.
Le caractère homoérotique de son inspiration n’a pas échappé à ses contemporains comme Salvatore Di Giacomo, qui a déclaré en 1905 à propos de ses sculptures : "Les adolescents roturiers qu’il entraînait dans son cabinet de travail pour la récompense de quelques sous par jour offraient à l’admirable mélange de sa cire et de son argile de magnifiques pièces de nudité, desséchées par notre soleil brûlant et trempées comme dans la couleur du bronze. La rapidité des membres courbait ces corps d’éphèbes en une grâce singulière de forme. Dans ses pérégrinations d’observation, Gemito n’avait cessé d’espionner les mouvements et la passion de ces jeunes hommes à demi nus, dont l’épiderme lisse et intact semblait déjà coloré d’une patine métallique ».
Si l’enthousiasme érotique est tout à fait contenu dans les sculptures, dans les dessins (moins connus) il est même effronté.
Les années de 1870 à 1885 sont celles du plus grand succès et de la meilleure production de Gemito; après quoi survient une crise à la fois artistique et humaine.
Le succès, qui a permis à Gémito de recevoir d’importantes commandes « officielles », l’a cependant arraché au rêve peu « respectable » que représentent les pêcheurs, les bateliers et les « gamins des rues », nus et disponibles. Gemito a par la suite répondu aux nouveaux besoins du marché en se consacrant à une production de plus en plus froide et académique.
Son mariage avec Anna Cutolo lui permet de trouver une « vie et une famille normales » auxquelles l’enfant trouvé Gemito n’avait pas eu droit. Désormais, en raison de son âge et de sa position sociale, il n’était plus l’un des gamins des rues qu’il dépeignait.
Vers 1887 il montre des signes de déséquilibre mental ce qui l’oblige pendant une vingtaine d’années à alterner des périodes dans un asile avec des périodes de travail plus ou moins régulier.
En 1909, Gemito quitte également définitivement l’asile, mais bien qu’il n’ait pas perdu sa virtuosité artistique, il ne pourra jamais retrouver l’inspiration, la spontanéité et le succès de sa jeunesse.