Danseurs nus 1
Magnifiques spectacles que ceux dont les danseurs sont entièrement nus !
Superbes danseurs qui embrassent la largeur de la scène puis se désaxent pour former un bateau ivre. Sous l’effet de la lumière qui sculpte les corps nus, comme battus par la techno profonde, les danseurs incarnent tour à tour une humanité qui tombe et est balayée derrière le rideau noir, le grincement d’un déluge, le mouvement d’une pagaille voire l’ordre foutresque d’un Kâma-Sûtra où les hommes interprètent, détachés, les positions de l’accouplement. Mais ils reviennent toujours à ce mouvement originel, à la fois simple, violent et impossible à parfaire : marcher ! Marcher nus avec tant de grâce et de dignité !
Un spectacle de danse nue c’est beau ; c’est lent même si certains tableaux sont foudroyants ; c’est hypnotisant ; c’est une répercussion du rythme sur les splendides anatomies en liberté ; c’est fascinant de corps si divers, si beaux et par principe de nudité tous égaux. C’est à la fois parfaitement humain et déshumanisé par cette nudité de guerre qui alterne avec une nudité de paix.
La mise en scène de corps entièrement nus nécessite beaucoup d'inventivité dans la mise en scène. Le spectacle est le plus souvent joyeux, jubilatoire. Il n’y a rien de choquant dans cette vision d'une communauté à l'état de nature, les danseurs nus étant le symbole d'une société qui ignore le péché et l'artifice. La nudité des danseurs nous parle plutôt de nous-même.
C’est que la danse a pour ainsi dire la «chance» d'être le plus pauvre des arts vivants, beaucoup moins bien lotie que le théâtre ou la musique. Elle est aussi le plus jeune, car le bouillonnement de recherches et de créations chorégraphiques a réellement commencé il y a seulement un siècle. Ainsi vit-elle sa vie, animée par des passionnés qui, souvent sans le sou, créent des merveilles. La nudité est un choix chorégraphique fort.
Un spectacle de danse nue est une volonté du chorégraphe de traiter du corps et donc laisser voir le plus possible de chair. La réalité est que des danseurs en sous-vêtements, le plus souvent couleur chair et très près de la peau, rendent une pièce vraiment sexy, les danseurs étant par définition jeunes et beaux. Avec la nudité se révèle une sorte de fragilité. Quand la lumière est blanche et crue, elle laisse voir les corps sous toutes les coutures, sans fausse pudeur. Elle sert plutôt à sculpter les corps qu’à créer une ambiance. Quand elle est tamisée, elle cache les sexes.
Aujourd’hui, alors que presque toutes les barrières et limites ont été dépassées, la nudité dans la danse devient un outil comme un autre, assez banal. L’enjeu, pour un chorégraphe ou un metteur en scène qui utilise la nudité, relève plutôt de la pertinence de son utilisation, sans donner l’impression que le geste est gratuit. Le chorégraphe a ses raisons de l’utiliser, comme d’utiliser des souliers à talons hauts, des vêtements victoriens, des béquilles ou des prothèses.