Konstantin Somov, le boxeur et le nu masculin
Konstantin Andreyevich Somov (1869 – 1939) est un artiste russe associé au mouvement Mir iskusstva (« Monde de l’art ») qui a débuté dans la dernière décennie du XIXe siècle.
Après la révolution russe, il émigre à Paris avec d’autres artistes russes. C’est dans la ville de l’art et de la culture par excellence qu’est Paris qu’il se réinvente et laisse s’exprimer son génie créatif.
Dans sa vie privée, il a eu un compagnon de longue date, plus jeune, Methodiy Lukyanov, et une relation artistique et personnelle ambiguë avec un jeune boxeur, Boris Snezhkovsky, qu’il a peint plusieurs fois.
"Il y a deux jours, j’ai terminé un portrait à l’huile, un nu (en demi-longueur), et ensuite j’ai peint une nature morte à côté de lui : un miroir, derrière lui une commode, sur laquelle reposaient sa chemise et son gilet, avec une paire de gants de boxe accrochée au mur. La peinture n’est pas mauvaise". Dans une lettre à sa sœur, Somov évoque une huile sur toile, celle du ”Boxeur”. Étant un homme sensible aux détails et très critique, surtout envers lui-même, son appréciation laisse deviner une affection particulière de cette œuvre où s’entremêlent vulnérabilité et virilité.
Boris Snejkovsky est dépeint, assis nonchalamment sur une commode, le regard songeur et les muscles saillants, mais ce qui attire notre attention c’est le pubis du jeune homme. L’artiste est dans sa démarche provocante mais tout en subtilité.
De la relation tumultueuse entre le peintre Konstantin Somov et son modèle naquirent de nombreux portraits et des scènes intimes d’une grande intensité, qui ne manqueront pas de faire parler d’eux dans les années 1920, en raison de la nudité du modèle. Le jeune homme au corps herculéen et au visage pensif représenté dans Le Boxeur, c’est Boris Mikhailovich Snejkovsky, la muse du peintre Somov.
Outre ses portraits de femmes, ou ses autoportraits, c’est avec ses œuvres provocantes du sulfureux modèle Boris que l’artiste revendique pleinement son art et jouit d’une liberté méritée. Bien qu’un certain mystère auréole la rencontre du jeune modèle et du peintre, on sait que leur relation fut exaltante et dura des années. Il le peindra jusqu’à sa mort, en 1939. Cette intimité se fait ressentir jusqu’au choix de palettes : des tons chauds, obscurs, et d’une douceur sans nom qui contraste avec ses panoramas plus délicat tirant vers des couleurs froides.
Peintre du symbolisme et de l’art nouveau, la gémination du rêve et de la réalité est au cœur de ses œuvres. Oscillant entre la sensibilité et le réalisme de ses modèles, il cherche à nous transporter dans son univers poétique. Plus précisément il s’inscrit dans le mouvement du “dandysme”. Plus qu’un courant artistique, c’est une philosophie, une pensée mettant à l’honneur l’esthétique, la morale et par-dessus tout l’anticonformisme.
Bien qu’il soit connu pour ses paysages captivants à l’aquarelle, ce sont ses portraits qui font sa renommée. Il use pour cela d’une technique bien à lui : une fois l’esquisse de son croquis terminée au crayon il le surpose avec de l’aquarelle, et ajuste parfois au crayon de couleur. La gouache étant son matériel de prédilection, il est pourtant tout à fait à l’aise avec de la peinture à l’huile, qui demande minutie et patience. Avec son style bien particulier, on parlera même de “ Genre à la Somov” pour décrire ses œuvres dans le milieu d’amateur d’art russe contemporain.
De 1907 à 1919, Somov a dessiné plus de 120 dessins à l’encre, certains simplement suggestifs, d’autres assez explicites, pour plusieurs éditions du Livre de la marquise. Le livre est une anthologie de poésie et de prose érotiques françaises du XVIIIe siècle, contenant 56 œuvres d’une cinquantaine d’auteurs, dont des extraits d’œuvres de Voltaire, Parny, des fragments des Liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos et des épisodes individuels des Mémoires de Casanova.