Michel Anguier - Neptune agité
Après s'être formé auprès de son père menuisier à Eu, Michel Anguier poursuit son apprentissage entre 1629 et 1633 à Paris dans l'atelier de Simon Guillain. A partir de 1641 il séjourne à Rome pendant une dizaine d'années et découvre avec Nicolas Poussin et François Duquesnoy les œuvres de l'Antiquité pour lesquelles il se passionne. Il s'initie au baroque auprès d'Alessandro Algardi et assiste Le Bernin pour un temps.
A son retour en France, Anguier obtient rapidement d'importantes commandes. On lui doit la décoration des appartements d'été d'Anne d'Autriche au Louvre, des statues commandées par Nicolas Fouquet pour son château de Saint-Mandé puis pour les jardins de Vaux-le-Vicomte. Il sculpte un important cycle de bas-reliefs au Val-de-Grâce et signe les ambitieux groupes ornant la porte Saint-Denis à Paris. Sa carrière, exemplaire, s'articule autour de ces grandes commandes et de son implication au sein de l'Académie royale dont il est professeur adjoint en 1668 puis recteur en 1671.
Si Anguier est l'un des dépositaires du grand style de la sculpture versaillaise insufflé par François Girardon, il est aussi sans doute à l'origine de la diffusion et de l'engouement pour les statuettes indépendantes jetées en bronze. Cet art, jusqu'alors souvent réservé aux décors d'églises va se développer en partie grâce au succès critique et commercial du fameux cycle des dieux et des déesses conçu par Anguier peu de temps après son retour de Rome.
Le 6 mai 1690, à l'Académie Royale de peinture et de sculpture, Guillet de Saint Georges rapporte : " M. Anguier fut occupé en 1652 aux modèles de six figures, chacune de 18 pouces (48,8 cm se rapportant à la figure seule) qui ont été jetées en bronze et qui représentent un Jupiter foudroyant, une Junon jalouse, un Neptune agité, une Amphitrite tranquille, un Pluton mélancolique, un Mars qui quitte les armes et une Cérès éplorée (… )".
Michel Anguier est ici clairement influencé par 'Neptune et Triton' du Bernin qu'il a vu et admiré à Rome (Londres, Victoria and Albert Museum). Dans notre groupe, 'Neptune', le dieu des mers, est puissamment campé sur ses jambes dans un mouvement dynamique vers l'avant. II enjambe le cheval marin avec autorité, son buste est large, ses épaules puissantes, ses flancs saillants et son sillon inguinal marqué, soulignant sa force physique et sa colère. Les proportions sont élégamment allongées. Les veines des pieds et des mains qui s'animent sous la tension musculaire affleurent sous l'épiderme et les mèches sont soulignées avec vigueur dans l'épaisse chevelure.
Le bronze est fondu d'un seul jet, solidairement d'une base carrée, par la méthode de la cire perdue. On remarque quelques pièces de bouchage caractéristiques de l'ancienneté du mode opératoire de la fonte. L'ensemble de l'empreinte, d'une belle nervosité, est remarquablement inscrite dans la cire et très peu reprise à froid.
Au sein du cycle des dieux et des déesses, le 'Neptune agité' occupe une place particulière. Son évidente influence baroque et le dynamisme de sa composition s'opposent en effet au calme et à la sérénité de l'Amphitrite tranquille' à laquelle il est souvent apparié.
Dans sa grande version, neuf exemplaires de cette sculpture sont aujourd'hui connus.