Thomas Eakins en Arcadie.
Thomas Eakins (1844 – 1916) est un peintre, sculpteur et photographe américain, associé au courant moderniste du réalisme américain.
En 1882, il devient professeur à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, une école d'art avant-gardiste où l'on enseigne la photographie. Il fait de l'étude du nu une partie intégrante de son enseignement en s’inspirant des représentations classiques de l'Arcadie, un pays mythique chanté par les poètes, une terre préservée où les bergers pouvaient vivre nus et s’ébattre ensemble. Des accusations nombreuses d'indécence de ses pratiques d'enseignement contraignent finalement l'artiste à démissionner de son poste à l'académie. Peu après il perd son poste de professeur à l'académie pour avoir admis un public féminin lors d'un cours d'anatomie en présence de modèles masculins nus.
Sa démission forcée de l'Académie provoque une période de dépression de deux ans avant qu’il ne reprenne son œuvre, loin du nu masculin.
Dans son enseignement à la Pennsylvania Academy of the Fine Arts, il s'intéresse non seulement aux nus mais aux analyses scientifiques des corps en mouvement. Dans son œuvre, The Swimming (La Baignade), la disposition de ses nageurs suggère le mouvement séquentiel d'une seule figure. Parce que les sujets de cette peinture étaient identifiables (autant l'artiste que ses élèves, Eakins étant à droite nageant vers son chien) les réactions négatives sont innombrables, éclipsant les intentions de l’artiste.
Thomas Eakins a réalisé une série très connue de photographies du jeune Bill Duckett nu.
Une autre série de photographies montre un groupe d'étudiants nus s'exerçant à la lutte gréco-romaine en pleine nature. On le reconnait, moustachu sur la gauche, tout aussi nu que ses étudiants.
Thomas Eakins a été extrêmement marqué par le mythe de l'Arcadie.
L’Arcadie symbolise une époque passée, oubliée, qui peut être assimilée à l’âge d’or : un temps mythique où l’humanité vivait dans la concorde et l’unité, précédant les âges d’argent, d’airain et de fer. Elle est la patrie du dieu Pan, protecteur des bergers et des troupeaux, associé à la flûte de pan, instrument de musique des plus simples.
Les auteurs de l’Antiquité font de l’Arcadie un espace pastoral et bucolique où les bergers pratiquent la musique et la poésie. Les auteurs latins (Ovide, Virgile, Tibulle) font des Arcadiens les lointains ancêtres des Romains. Ils décrivent l’Arcadie comme un lieu où l’on pouvait guérir de toutes les souffrances par la pratique du chant.
L’Arcadie est indissociable d’un certain mode de vie qui alterne occupations et loisirs. Les travaux sont entrecoupés de pauses durant lesquelles on s’allonge, on rie, on chante et on accomplit des tâches sans effort, comme si la frontière entre le travail et la distraction n’avait plus de sens.
C’est aussi le pays de l’amour heureux, sans passion ni souffrance, où les partenaires sont interchangeables et pourtant fidèles.
Des photographies le montrent nu lui aussi, en pleine nature, comme s'il avait découvert l'Arcadie. En particulier un cliché de lui et de son ami J. Laurie Wallace
Plusieurs de ses œuvres sont d’abord des scènes soigneusement photographiées avant d’être des peintures.
Adepte de l'hygiénisme de cette époque par la pratique du sport, il a photographié et peint de nombreux athlètes en plein exercice sportif.
Il nous est parvenu plusieurs études d'oeuvres qui viennent illustrer la démarche artistique du peintre.
Déjà, jeune étudiant en art, Thomas Eakins a été peint, nu, par Charles Lewis Fussell dans un magnifique portrait exposé au Philadelphia Museum of Art.
Il s'est laissé photographier plus âgé sur son lit (de mort ?), toujours aussi nu. Arcadie, quand tu nous tiens !