L’énigme Hans Frohne
De ce peintre allemand, on ne sait rien d'autre que les 4 lignes que lui consacre Hans Vollmer dans son Encyclopédie générale des artistes plasticiens du XXe siècle qui fait quand même près de 3000 pages et 6 volumes !
On peut y lire qu'Hans Frohne est né à Dresde en 1905 et serait mort après 1955. Peintre de personnages, il aurait étudié à l'académie de Munich à partir de 1922, aurait vécu en Italie longtemps, puis se serait installé ensuite à Berlin.
De son œuvre, on ne connait qu'une trentaine de tableaux, tous de grands formats, entre 1,5 et 3 m2, signés et datés, le mois en chiffre romain et les 2 derniers chiffres de l'année, exécutés entre 1931 et 1942.
Cette récurrence de grands formats indique qu'il avait une aisance financière suffisante pour pouvoir acheter son matériel, surtout les quantités de couleurs nécessaires pour couvrir ces grandes surfaces. Mais aussi un atelier ou du moins une pièce suffisamment grande pour pouvoir les manipuler.
L'iconographie de Frohne est exclusivement constituée de personnages nus, principalement des jeunes gens dans des poses sophistiquées qui cherchent à mettre en valeur la musculature des uns ou bien les formes féminines des autres, tous exposés sans pudeur.
Ces "enfants du paradis" représentent peut-être plutôt Caïn et Abel jeunes, avant leur combat fratricide.
Son style respecte les codes nazis de la beauté du corps en bonne santé. Pour autant on ne sait rien de son comportement pendant le IIIème Reich. Dans l'art officiel allemand, les images des hommes, et encore plus celles des femmes, sont fortement stéréotypées, avec une perfection physique exigée pour les peintures de nus. Les sexes masculins sont d'une taille réaliste et non celle de la nudité grecque.
Cependant, pour les artistes, il s'agit moins de " réalisme ", que de créer une image idéale, pour l'éternité. Les femmes sont donc mères ou des épouses et les hommes des ouvriers, paysans ou soldats, tous jeunes et bien formés.
Cela étant, l'idéal nazi ne laisse aucune place à la vieillesse, donc pas de chair avachie, signe de déclin. Aussi chez Frohne, s'il n'y a aucune personne âgée, on ne trouve qu'un enfant avec « Knabe als Fortuna » d'avril 1941.
Ce tableau " Mysterium II " peint en 1942 représente un couple enlacé après avoir fait l'amour.
Les personnages évoluent sur des fonds très travaillés, souvent avec des effets de lumière et quelques fois des paysages indéfinis censés célébrer la patrie et le peuple que se doit d'illustrer la peinture "officielle" de l’époque.
Cependant, Frohne fait aussi se côtoyer des personnages sans que ceux-ci ne racontent une histoire, juste par esthétisme.
De son passage en Italie, Hans Frohne en revient chargé de carnet de croquis qui lui permettent de s'inspirer surtout des sculptures. C’est ainsi que son "penseur" peint en 1938 directement inspiré du Satyre endormi, plus connu sous le nom de Faune Barberini.
Alors que le marbre, avec ce visage très expressif, bouche entrouverte, cheveux en bataille et traits marqués, représente le sommeil de l'ivresse, Frohne dépeint, lui, un jeune homme songeur avec ce même bras relevé sur la tête. Sa jambe droite n'en révèle pas moins le sexe du personnage de la même façon que le marbre l'expose frontalement.